Avons-nous besoin du métavers?

Avons-nous besoin du métavers?

Laure Després
Laure Després

Qu'est-ce que le métavers?

Meta définit le métavers comme:

  • la prochaine génération de l'internet,
  • un ensemble d'espaces digitaux, interconnectés et immersifs,
  • un internet incarné ("embodied internet").

Toujours selon Meta, le métavers est un écosystème distribué bâti comme une maison dont:

  • les fondations seraient le matériel, les protocoles et les standards,
  • les murs seraient les plateformes et les réseaux,
  • le toit serait les espaces et les expériences.

Meta propose d'expérimenter le métavers au travers de plusieurs applications:

Meta se fonde sur les rapports de McKinsey & Co et de Citi pour estimer le marché du métavers entre 5.000 et 13.000 milliards de dollars en 2030.

Observations

Il en ressort les observations suivantes:

  • Méta entretient une grande confusion entre les bénéfices de la réalité étendue (réalité virtuelle, augmentée et mixte) et les bénéfices de son métavers.
  • Cette confusion augmente avec la promesse d'accéder le métavers avec tous types d'appareils (ordinateurs personnels, tablettes, téléphones mobiles).
  • A ce stade, il semble qu'il n'y ait pas UN métavers mais DES tentatives de mondes virtuels pour des cas d'utilisations divers (chat, jeu, éducation, etc.).
  • L'expérience à la date de ce jour est très décevante, notamment par comparaison au réalisme des jeux vidéos sur les plateformes XBox et PlayStation.

Réflexions

Il faut d'abord distinguer réalité étendue (XR) et métavers.

La réalité étendue a ses cas d'utilisation propres qui ne sont pas généralisables à tous les usages de l'Internet. Sauf preuve du contraire, je ne vois aucun avantage à la réalité étendue pour écouter de la musique, lire des documents et faire des calculs sous Excel.

Parmi les cas d'utilisation propres à la réalité étendue, le jeu vidéo et les jumeaux digitaux (digital twins) semblent les plus aboutis. Mais il est important de réaliser que la production de contenu virtuel en 3D est plus coûteuse que la production de contenu vidéo, qui est elle-même plus coûteuse que la production de contenu textuel. Outre l'expérience utilisateur (UX), les cas d'utilisation sont aussi déterminés par le retour sur investissement, tenant compte des alternatives.

Le métavers est un monde virtuel, augmenté par la réalité étendue, avec des caractéristiques d'espace, de temps, et de physique des objets qui reproduisent le monde réel, de façon à pouvoir s'y incarner notamment au moyen d'avatars digitaux. Il n'y a pas besoin du métavers pour bénéficier dès aujourd'hui des avantages de la réalité étendue. Et le métavers est possible sans réalité virtuelle, comme l'a démontré Second Life il y a plus de 20 ans.

Si les avantages de la réalité étendue sont déjà palpables, au travers des jeux vidéos et d'applications comme IKEA Place et SkyView, les avantages propres au métavers semblent encore flous et donc lointains. Un casque de réalité virtuel, un système d'exploitation, des APIs adaptées et un magasin d'applications (app store) permettent de constituer un écosystème complet pour exploiter les bénéfices de la réalité étendue. C'est d'ailleurs le projet d'Apple, Vision Pro.

Il faut néanmoins noter que le métavers promet la possibilité de partager son identité, son avatar, ses accessoires, son portefeuille, et plus dans l'ensemble des espaces qui le composent.

Dans un environnement compétitif, il est difficile de croire qu'il puisse y avoir UN unique métavers détenu par une entreprise comme Meta. Si le métavers doit émerger comme "la prochaine génération de l'internet", ce sera par un ensemble de standards et protocoles co-créés et adoptés par l'ensemble des acteurs de l'industrie, réunis au sein d'une association comme le Metaverse Standards Forum. Il est possible qu'il faille une dizaine d'années pour concevoir et s'accorder sur de tels standards.

Les récentes avancées de l'intelligence artificielles en matière de synthèse de texte, comme ChatGPT permettent d'envisager un métavers, loin d'améliorer les interactions entre humains, mais permettant d'humaniser les intéractions digitales avec les marques à tous les stades du parcours client (customer journey). En d'autres termes, on peut s'attendre à un gigantesque showroom peuplé d'humanoïdes pilotés par intelligence artificielle qui conseilleront nos achats et nous fourniront le support après-vente mieux que ne peuvent le faire des centres d'appels, gérés comme des centres de coûts, ou des sites internet, à la navigation obscure et au contenu obsolete.

Conclusion

On fera les recommandations suivantes pour la grande majorité des marques, pour lesquelles le métavers ne présente pas d'avantage compétitif à court terme:

  • Maintenir une veille technologique sur le métavers, notamment au travers de prototypes, car il est trop tôt pour avoir de grandes ambitions.
  • Investir dès aujourd'hui dans des projets à périmètre réduit mais au ROI clair dans la réalité étendue et la blockchain pour expérimenter en développant une dynamique de succès.
  • Développer une stratégie métavers qui englobe l'intelligence artificielle dans le but d'humaniser les intéractions digitales à tous les stades du parcours client.